Ce roman a gagné le Prix Goncourt des lycéens en 2011.
En l'an 1187, Esclarmonde, jeune fille de quinze ans, refuse de s'unir avec Lothaire (son prétendant) et se coupe une oreille. Elle décide de vivre enfermée jusqu’à sa mort dans une petite cellule scellée contre les murs de la Chapelle bâtie par son père, le seigneur du domaine des Murmures, en l’honneur de Sainte Agnès (morte en martyre à l’âge de treize ans avec le Christ pour unique époux).
En l'an 1187, Esclarmonde, jeune fille de quinze ans, refuse de s'unir avec Lothaire (son prétendant) et se coupe une oreille. Elle décide de vivre enfermée jusqu’à sa mort dans une petite cellule scellée contre les murs de la Chapelle bâtie par son père, le seigneur du domaine des Murmures, en l’honneur de Sainte Agnès (morte en martyre à l’âge de treize ans avec le Christ pour unique époux).
Le seigneur des Murmures épouse
Douce en secondes noces. Celle-ci est horrifiée lorsqu’elle découvre les mains
de son mari clouées au lit. Elle entend des murmures pendant son sommeil : s'agit-il de quelqu’un qui gratte et gémit dans l’épaisseur des murs ? Elle est persuadée
qu’il s’agit du spectre d’Emengarde enterrée vivante dans les fondations du
bâtiment (la légende à l’origine du nom du château). Esclarmonde exige que son père parte en
croisade afin qu'il ne sombre pas totalement dans la folie. Elle verra en rêve tous ses exploits à travers les stigmates d’Elzéar :
« ses mains percées ne me donnaient
accès qu’au regard de mon père (…) et mes nuits étaient toujours emplies des
souffrances du croisé que les caresses quotidiennes d’Elzéar me condamnaient à
partager. Je vivais son calvaire de l’intérieur, j’étais ses pieds, ses yeux,
sa chair. J’étais accroché à mon père comme le gui à l’arbre, j’embrassais sa
pensée aussi clairement qu’au soir de mes noces manquées ».
Avant de mourir en Terre sainte,
le seigneur fait une révélation qui est un véritable coup de théâtre : il
confie être le père d’Elzéar à Thierry, l'archevêque de Besançon. Esclarmonde est
immédiatement sommée par l’Eglise de faire vœu de silence éternel en pénitence
du mensonge (par omission) dont elle s’est rendue coupable. Le jour où un incendie accidentel
se déclare dans la chapelle, Lothaire vient délivrer le corps de sa bien-aimée
qui expire à l’air libre : « J’ai
souvenir d’avoir senti l’air sur ma peau, l’herbe entre mes doigts et ma langue
nouée par sa promesse (…) Je suis partie amoureuse du ciel immense contenu dans
les yeux doux de Lothaire ». La mort s’abat brutalement sur le
fief comme « affamé par cinq années
de jeûne » (la princesse emmurée a éloigné la
Faucheuse pendant cette période). Douce débaptise alors Elzéar et l'élève comme son propre enfant (son fils, Phébus, est décédé suite à une chute de cheval).
Ce roman est un peu moins captivant que Le Cœur cousu (premier opus de Carole Martinez). Bien que l'auteur soit très douée pour réaliser le portrait d’une femme insoumise et restituer la langue et les légendes
médiévales (notamment celle d’Amaury, l’un des sires de Joux, et de son cheval
Gauvin*(2)), elle ne se montre pas vraiment convaincante avec cette héroïne vivant
en lisière de songe. La trame fantastique du récit n’est pas assez exploitée au profit des longues aventures des croisés sans grand intérêt. Lorsque je suis tombée par hasard cet été sur la photo de la robe de mariée de Philomena de Tornos*(3), créée par Christian Lacroix (le couturier arlésien), j’ai immédiatement pensé à la femme fantôme sur la couverture du livre de poche (édition folio). Cette robe qui aurait pu être taillée pour Esclarmonde est actuellement exposée à Arles dans l’église de l’abbaye de Montmajour *(4).
Certains lecteurs décèleront peut-être
dans le roman de Carole Martinez, l’influence du conte des frères Grimm : Raiponce*(5). En effet, lorsque la
princesse aux longs cheveux dorés atteint l’âge de douze ans, la sorcière l’enferme
au sommet d’une haute tour qui n’a ni escalier ni porte, rien qu’une petite
fenêtre. Un prince amoureux viendra la délivrer de sa prison.
La Source de la Loue, Gustave Courbet (1864) The Metropolitan Museum of Art, New York |
Robe de mariée, création de Christian Lacroix pour Philomena de Tornos (Duchesse de Vandôme) |
***** Notes *****
*(1) : La Loue est une rivière française qui s’écoule de Ouhans (commune située au nord de Pontarlier) à Parcey dans le Jura où elle se jette dans le Doubs après un parcours d’environ 130 kilomètres. La Source de la Loue est l’un des sites privilégiés par Gustave Courbet dans ses peintures de paysages francs-comtois. Il y consacra plusieurs toiles aux alentours de 1863-1864. Chacune présente la source de la Loue qui surgit des entrailles de la terre, cadrée de différentes manières. Mais toujours, on trouve cette obsession de la cavité sombre de laquelle jaillit un flot tumultueux. Courbet y voyait-il une allégorie de la femme-mère, nourricière, procréatrice ou bien de façon plus triviale, de la femme-fantasme ?
*(2) : Pour en savoir plus sur la légende du sire de Joux:
*(3) : La princesse Philomena, née en 1977 à Vienne, réunit deux
nationalités: espagnole par son père (Alfonso de Tornos) et autrichienne par sa
mère (Marie-Antoinette von Steinhart). Elle a étudié les langues et civilisations
russe et germanique à la Sorbonne à Paris. Elle parle couramment le français,
l'allemand, l'anglais, l'espagnol, l’italien, le russe et l’arabe. Elle a
travaillé cinq ans comme cadre dans une société industrielle française
d'extraction de roches. Après son expérience professionnelle, elle décide de se
dédier un temps à sa passion pour la mer et le grand large. En épousant le
prince Jean de France, le 2 mai 2009 à Senlis, elle est devenue officiellement
la nouvelle duchesse de Vendôme.
*(4) : Christian Lacroix propose un libre parcours parsemé de ses réalisations (costumes d'Aïda pour l'opéra de Cologne) et d'une sélection de vêtements, objets liturgiques, oeuvres d'art contemporain du Cirva (Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques) à l'Abbaye de Montmajour à Arles:
Exposition "Mon île de Montmajour", route de Fontvieille, 13200 Arles
Jusqu'au 3 novembre 2013 dans le cadre de Marseille Provence 2013 (7,50 € l'entrée, téléphoner au 04 90 54 86 40).
Exposition "Mon île de Montmajour", route de Fontvieille, 13200 Arles
Jusqu'au 3 novembre 2013 dans le cadre de Marseille Provence 2013 (7,50 € l'entrée, téléphoner au 04 90 54 86 40).
*(5) : Pour lire le résumé du conte: