Couverture : La fileuse, chevrière auvergnate (détail) Jean-François Millet, 1868-1869, Musée d'Orsay. |
L'enfance, un terreau poétique
Les souvenirs (lieux, objets, personnes)
L'artiste nous invite à parcourir son petit musée intime à travers une succession de tableaux choisis, à la fois authentiques et imaginaires, dont elle nous restitue les détails avec la ferveur d'une mystique égrainant son chapelet (sa mère lui inculque une éducation excessivement religieuse, elle fera très tôt sa prière avant de dormir). Grâce à sa qualité d'attention, de présence à soi-même et au monde - sources d'un émerveillement communicatif devant la magie de toutes choses - elle nous fait don d'images étonnantes à propos d'objets, de lieux, de personnages attachants. Vous vous promènerez dans une salle de bal ou une vieille grange noire du New Jersey peuplée de chauves-souris, sur le dos d'un cheval de rêve, à travers une image du Café des Poètes à Paris ou d'un extrait de film de Jean Cocteau. Vous procéderez à l'inventaire du fol butin de l'artiste souvent observé en pleine nuit : dictionnaires, disques, encres, feuilles de vélin, dessins, portrait de Fernando Pessoa, reproduction du parchemin de la Déclaration d'indépendance, tasse de thé, rubis indien, imperméable vert pomme et autres amulettes et breloques. Vous croiserez la route de Kimberly (la petite soeur asthmatique) et de Bambi (le chien de la famille fauché par un camion).Vous interrogerez le regard du vieux vendeur d'appâts de pêche (il veille sur sa femme enterrée dans le jardin) puis serez troublé par la beauté du dramaturge Sam Shepard : "Il se réveille en sursaut, le cow-boy sans but, il rayonne de bonne volonté et la vadrouille le démange. Il jette son fardeau sur son épaule. Sa façon de vivre à lui, sa fin à lui. Aussi atroce, aussi radieuse qu'elle puisse être. Il a accepté la majesté de son sort avec un coeur sans questions et son cadeau repose encore enveloppé devant lui : la liberté, cette satanée liberté."
Les glaneurs de rêves
L'auteure vous présentera enfin les glaneurs de rêves, tantôt esprits des champs tantôt étranges créatures, parées de capes et de bottes, vivant dans les nuages. Il vous suffira d'être plein de compassion pour l'infime, de respecter la nature et de cultiver la bonté du coeur pour les apercevoir. Patti Smith regrette de ne pas avoir l'étoffe d'un peintre afin de rendre hommage à l'omniprésente beauté de ce qu'elle contemple (la mer, le ciel, les nuages, les arbres, la végétation, les animaux et surtout la phalène blanche, un grand papillon de nuit, dont les ailes font l'objet de plusieurs métaphores) : "Je rêvais d'être peintre, mais j'ai laissé l'image glisser dans une cuve de pigments et de crème pâtissière pendant que je sautais de temple en décharge en quête du mot. Une bergère solitaire qui ramassait des bouts de laine arrachés par la main du vent au ventre d'un agneau."
Une phalène blanche |
Patti Smith, grande admiratrice de Virginia Woolf, réclame une chambre à soi : un espace de liberté nécessaire au rêve et à la création. |
Les fleurs des champs, Louis Janmot (peintre et poète de l'Ecole de Lyon), 1845. |
Just Kids (collection de poche Folio, tirage limité sous étui pour les fêtes de Noël)
J'espère que cet article et le montage photo réalisé ci-dessous vous donnera envie de vous procurer au plus vite le livre Just Kids qui retrace la carrière de Patti Smith et de son ami et compagnon, le photographe Robert Mapplethorpe, dans le New York underground des années 1960-1970. Cet ouvrage passionnant - il a obtenu le National Book Award en 2010, l'une des distinctions littéraires les plus prestigieuses des Etats-Unis - est également une poignante histoire d'amour entre deux gamins inséparables dont l'ascension fut le résultat d'une collaboration inspirée que seule la mort pouvait interrompre.
Patti Smith par Renaud Monfourny Photographie pour le magazine Les Inrockuptibles |
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