Dans la petite ville de Castle Rock, Scott Carey, récemment divorcé, est atteint d'une étrange maladie. Avec ou sans vêtement, sa balance affiche le même chiffre, et chaque jour son poids diminue dangereusement. Il est également doté d'un pouvoir exceptionnel (faire "léviter" les personnes touchées) qui lui permet de sauver à la fois l'honneur et le restaurant en péril de ses amies voisines (Missy et Deirdre), un couple de femmes mariées, victimes du mépris des habitants envers les lesbiennes.
C'est en effet grâce à son intervention lors de la course à pieds annuelle de la ville - il aide Deirdre à franchir la ligne d'arrivée - que de nouveaux clients affluent au restaurant, curieux de connaître la grande gagnante. Une publicité inespérée mais le début de la fin pour le héros.
C'est en effet grâce à son intervention lors de la course à pieds annuelle de la ville - il aide Deirdre à franchir la ligne d'arrivée - que de nouveaux clients affluent au restaurant, curieux de connaître la grande gagnante. Une publicité inespérée mais le début de la fin pour le héros.
Interprétations
Que dit en substance Stephen King, le maître des récits fantastiques et d'épouvante, dans ce court roman inédit d'à peine cent cinquante pages écrit en 2018 ?
➤ Le dépassement de soi
L'auteur interroge tout d'abord, à travers le personnage de Scott, les clichés machistes véhiculés par l'homme ordinaire américain. Ce procédé lui permet d'accompagner son anti-héros vers une première élévation : le dépassement de soi. Lorsque Scott participe à la course, il a le sentiment d'aller au-delà de ses limites et d'être aussi léger que l'air (une expérience quasi-mystique). Une fois cette étape franchie, il est débarrassé de son égo et prêt à s'ouvrir aux autres. Il se lie alors d'amitié avec Missy et Deirdre.
Scott évolue ensuite vers une meilleure connaissance de la femme en tant qu'amie. Celle-ci n'est plus uniquement le miroir de son propre désir - autrement dut un sujet passif - mais un être complexe. Il gagne donc en profondeur (en épaisseur, pourrions-nous même en sourire !) et entrevoit les raisons pour lesquelles son épouse l'a quitté (était-il assez attentif, communiquant, aimant envers sa femme ?).
➤ L'élévation spirituelle : l'Ascension*
La seconde élévation correspond à l'envol symbolique de Scott en direction de l'au-delà. Il refuse de vivre avec son handicap (il est contraint de s'attacher à un fauteuil roulant pour maîtriser son apesanteur) et demande à ses amis proches de l'aider à partir dignement. C'est ainsi qu'il choisit de disparaître tel un ballon dans le ciel en allumant un feu d'artifice.
* La fête de l'Ascension célèbre la montée de Jésus vers Dieu, son Père. Mort et ressuscité, il quitte ses disciples tout en continuant d'être présent auprès d'eux, mais différemment. Il promet de leur envoyer une force, celle de l'Esprit-Saint.
➤ La morale de l'histoire ?
La troisième élévation pourrait être celle du lecteur s'il venait à s'interroger, par le truchement de l'identification aux personnages, sur le sens de sa propre vie. Et si nous faisions à notre tour le deuil de notre égo, de quelle manière pourrions nous être utiles aux autres avant de mourir ? Serions nous capables d'actes généreux ?
➤ Féminisme
J'ai perçu, dans ce roman, le féminisme de Stephen Kong dont j'ai récemment lu l'autobiographie : Ecriture, mémoire d'un métier. Il y raconte notamment son admiration pour sa mère, abandonnée par son mari criblé de dettes, indépendante, drôle et "légèrement cinglée". Elle l'a encouragé très tôt à créer des histoires en lui offrant, à onze ans, une machine à écrire Royal pour Noël. L'auteur n'apprécie pas l'arrogance des hommes envers les femmes, c'est sans doute la raison pour laquelle il surnomme la course à pieds "le trot des dindes" : un clin d'oeil moqueur à l'insulte classique adressée par les indélicats aux dames en surpoids ou jugée "imbéciles". Deirdre est justement tout le contraire d'une dinde : elle est dynamique, futée et pleine de répondant. Ce roman peut également être compris comme une farce sur la course universelle à la minceur qui peut finir très mal ...
De l'écrit à l'image
La dernière scène du roman (soit l'envol dans les airs) - paradoxalement aussi joyeuse que teintée de tristesse - m'a fait penser à deux films d'animation américains très réussis.
Le premier est Là-haut produit par les studios Pixar en 2009. Il raconte l'histoire du veuf octogénaire Carl Fredricksen qui, grâce à des ballons gonflés à l'hélium, envole sa maison vers l'Amérique du Sud pour accomplir une promesse qu'il avait faite à sa femme décédée.
Le second long métrage est Kung Fu Panda réalisé par les studios DreamWorks en 2008. Le héros est un panda fan d'arts martiaux, faible, obèse et maladroit. Il rêve, en dépit de sa carrure, de devenir un incroyable combattant. Il s'attache à une chaise avec des feux d'artifice pour atterrir dans le palais où se trouve le grand maître Oogway qui a formé ses idoles : les Cinq Cyclones (Tigresse, Grue, Singe, Mante et Vipère).
Le film d'animation Là-haut |
Le film d'animation Kung Fu Panda |
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