La liseuse, Robert James Gordon (1877)

Ce site est le journal de mes découvertes au pays des merveilles des arts et des lettres.

Il est dédié à la mémoire de mon père, Pierre-Henri Carteron, régisseur de l'atelier photographique du Centre Georges Pompidou où il a travaillé de 1977 à 2001.

Un cancer de la gorge lui a ôté la voix. Les mots sont restés coincés en travers.

A ma mère qui m'a nourrie du lait de ses rêves.

"Ecrire, c'est rejoindre en silence cet amour qui manque à tout amour" (La part manquante, Christian Bobin).

mercredi 3 juillet 2013

Milord, hommage à mon chat

« L’amour ça fait pleurer
Comme quoi l’existence
Ca vous donne toutes les chances
Pour les reprendre après … »

Milord, Edith Piaf (paroles de Georges Moustaki, 1959)

A mon beau-père Gérard qui a transporté, dans son camion de routier, un aristochat à la maison

Il lustre ses moustaches
De lord anglais
Sur le col angora
De son costume noir.

Il frotte ses gants blancs
Sur son joli museau
Et ajuste sa toilette
Avant la promenade.

Il enroule sa queue
Autour de mes jambes
Et m'invite à danser
A pas de velours.

Il allume ma cigarette
De ses yeux jaunes
Et éclaire dans la nuit
Le chemin.

Un jour il m'abandonne
Au coin d'une rue
Les flancs assoiffés
Par la chaleur.

Je le cherche partout
Je crie son nom
Mon coeur pleure
Dans mes poings serrés.

Je l'imagine
Boire mes larmes
Dans la gouttière
Du toit de la maison.

Enfin je le retrouve
La gueule rongée de vers
Dans un massif de roses
Mort mon Milord.

Il sortira en rêve
Des plis de mon corps
Pour se réincarner
En ma petite fille qui dort.

Milord était un chat exceptionnellement vif, agile, élégant et futé. Je sortais fumer une cigarette en sa compagnie à la tombée de la nuit. Il me suivait dans la cage d'escaliers pour descendre les cinq étages jusqu'au bitume de la promenade. Les enfants du quartier étaient ébahis devant son comportement de "chien fidèle". Il s'est éteint à dix-neuf ans en juin 2003 pendant la canicule. Il avait un cancer du foie avec une tumeur grosse comme une mandarine. J'ai retrouvé son corps dans un massif de roses en bas de l'immeuble où habitent encore mes parents. Le gardien l'a enterré au pied de son arbre favori, face à la fenêtre de ma chambre d'adolescente. La nuit avant mon accouchement, j'ai fait le rêve qu'il sortait de mon corps. Ce n'était pas un cauchemar mais plutôt l'annonce d'une possible réincarnation dans le corps de ma fille.

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