La liseuse, Robert James Gordon (1877)

Ce site est le journal de mes découvertes au pays des merveilles des arts et des lettres.

Il est dédié à la mémoire de mon père, Pierre-Henri Carteron, régisseur de l'atelier photographique du Centre Georges Pompidou où il a travaillé de 1977 à 2001.

Un cancer de la gorge lui a ôté la voix. Les mots sont restés coincés en travers.

A ma mère qui m'a nourrie du lait de ses rêves.

"Ecrire, c'est rejoindre en silence cet amour qui manque à tout amour" (La part manquante, Christian Bobin).

lundi 14 avril 2014

Pietra Viva, Léonor de Récondo

Ce roman est sélectionné pour la 2ème édition du prix Libraires en Seine (association de 12 libraires de l'Ouest parisien). Le lauréat sera désigné par un jury de lecteurs, dont je suis membre, le 22 mai 2014.


Née en 1976, Léonor de Récondo est violoniste baroque et romancière.
Selon son éditeur, sa phrase juste et précise "conduit le lecteur au plus près de ses émotions"

En 1505, le peintre et sculpteur italien Michelangelo, âgé de trente ans, est bouleversé par le mystérieux décès d'Andrea (un jeune moine dont la beauté le fascinait). Il quitte Rome pour choisir à Carrare les blocs de marbre du tombeau commandé par le pape Jules II. Pendant six mois, il travaille dans la montagne en compagnie des carriers et se lie d'amitié avec trois villageois au caractère singulier : Topolino (un modeste tailleur de pierre), Cavallino (un fou qui se prend pour un cheval) et Michele (un enfant de six ans dont la mère vient de mourir). Ce séjour va lui permettre de faire le deuil d'Andréa en même temps que celui de son propre orgueil. En s'ouvrant aux autres, le parfum, le rire et le visage de sa mère (morte lorsqu'il avait le même âge que le petit Michele) surgissent de sa mémoire comme les mots d'une poésie oubliée. Il parvient à transcender sa "laideur" pour animer la beauté éternelle saisie dans la pierre de ses sculptures : "L'inadéquation fondamentale entre entre l'image qu'il a de son âme et son apparence le pousse à vouloir modeler le corps des autres, à s'approprier leur beauté (…) Ne regardez pas mon visage, il est laid. Regardez plutôt mes mains ! Elles sont si puissantes qu'elles façonnent la réalité, qu'elles donnent vie à la pierre. Dans le sillon creusé par mon ciseau, les veines du marbre se gorgent de sang".

Ce roman lumineux, entièrement conjugué à la troisième personne du singulier (il) et au présent de l'indicatif, se lit d'une traite car il aussi "vivant" que son titre l'annonce. On souhaiterait d'ailleurs que les personnages soient réels tant ils sont attachants. Léonor de Récondo esquisse la personnalité de Michelangelo - j'ai pour ma part découvert son irascibilité - à travers une succession d'évènements (vrais ou faux ?) qui nous font toucher du doigt l'essence de son art et nous amènent à une réflexion subtile sur le souvenir, la tolérance et l'abandon de soi. Si vous aimez la poésie, vous reconnaîtrez l'humilité dont l'artiste doit faire preuve lorsqu'il s'agit d'accorder les mots à la justesse de son exigeance. Je suis sortie de ce livre avec l'envie de me précipiter sur les oeuvres de Michelangelo. Si telle est l'ambition de l'auteur, le pari est réussi !

A gauche : Andrea Quaratesi, Michel-Ange (1532)
A droite : carrière de marbre au dessus de la ville de Carrare (Toscane, Italie)

Trois tableaux de John Singer Sargent, peintre américain
A gauche : Carrières de marbre à Carrare (1913)
A droite : Extracteurs de marbre des carrières de Carrare (1911)

Le tombeau de Jules II, Michel-Ange et ses élèves (1505-1545)

Moïse, au centre à l'étage du bas (1513-1516)

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