La liseuse, Robert James Gordon (1877)

Ce site est le journal de mes découvertes au pays des merveilles des arts et des lettres.

Il est dédié à la mémoire de mon père, Pierre-Henri Carteron, régisseur de l'atelier photographique du Centre Georges Pompidou où il a travaillé de 1977 à 2001.

Un cancer de la gorge lui a ôté la voix. Les mots sont restés coincés en travers.

A ma mère qui m'a nourrie du lait de ses rêves.

"Ecrire, c'est rejoindre en silence cet amour qui manque à tout amour" (La part manquante, Christian Bobin).

lundi 12 août 2013

Un été avec Proust

Parmi les nombreux ouvrages célébrant cette année le centenaire de la publication du roman de Marcel Proust, Du côté de chez Swann (1913), j'ai choisi de me plonger dans le premier opus de Paul Vacca dont le titre fait écho à la description du clocher de l'église de Combray.

Le jeune héros (13 ans) est le narrateur de l'histoire. Cependant, il n'emploie jamais le pronom personnel "je" mais s'adresse à sa mère par le biais du tutoiement (elle semble être l'unique destinataire du roman). Le lecteur ne connaîtra pas l'identité du héros - bien que nous puissions supposer qu'il s'agit d'une autobiographie - car celui-ci laisse le soin à ses parents, Aldo et Paola, de l'appeler "mon fils" ou "mon chéri". L'action se déroule "Chez nous", le bar familial situé à Montigny, un petit village du Nord de la France. 

Le héros est bouleversé par la lecture de Du côté de chez Swann laissé par une jolie femme, Sandra Maréchal (mère de famille pour laquelle il ressent ses premiers émois amoureux), dans l'herbe près du café. Il le dévore en secret comme s'il s'était emparé d'une clé lui permettant enfin de « pénétrer dans le monde mystérieux des femmes ». Puis sa mère lui en lit des passages à l'heure du coucher. Elle finira par acheter les neufs volumes de A la recherche du temps perdu chez Mademoiselle Thibault, la libraire, qui lui vante les mérites de la fiction : « Si votre fils ne comprend pas tout, quelle importance ? (...) Lire c’est aller vers l’inconnu, c’est chercher à découvrir de nouveau mondes, à percer de nouvelles énigmes … Sans garantie de succès. D’ailleurs, on ne fait jamais le tour d’un livre, on n’épuise jamais la totalité de son mystère. C’est même peut-être ce qui nous échappe qui est le plus important … ». Aldo, jaloux de la complicité mère-fils, se procure L’Abécédaire de Proust chez la libraire. Totalement affolé au sujet de l’homosexualité de l'auteur, il emmène son fils à la pêche et le questionne sur ses goûts en matière de filles. Une fois rassuré, il invite la famille à passer un week-end au Grand Hôtel de Cabourg où le jeune Proust venait avec sa grand-mère.

Le roman prend une tournure dramatique lorsque le héros devine que Paola souffre d’une grave maladie (par pudeur, elle ne sera jamais désignée). Il convainc alors Pierre Arditi, l'acteur préféré de sa mère, de venir faire une lecture de Proust au bar. C'est un franc succès. Le Maire de la commune leur prête donc une salle pour la représentation d'un spectacle où tous les villageois joueront les personnages d’A la recherche du temps perdu (le texte est co-écrit par la mère et le fils). Paola meurt quelques jours après. Aldo quitte Montigny et se met à lire l'oeuvre entière de Proust. Une fois adulte, le fils retourne du côté de "Chez nous" mais ne trouve qu'un seul souvenir de l'ancien bar chez le nouveau propriétaire : la petite cloche actionnée par l'ouverture de la porte. Son tintement ramène sa mère à la vie : « Alors, le livre que tu souhaitais tant, le voici. En attente dans les replis de nos souvenirs, il guettait un signe de toi pour prendre forme ». 

Paul Vacca est parvenu à tenir sa promesse : il est devenu romancier comme le rêvait sa mère. Cependant, bien que le drame familial soit très émouvant, il est difficile de s’attacher aux personnages dont la psychologie manque totalement de profondeur au profit de nombreux dialogues qui s’apparentent plutôt à ceux d’un bon téléfilm. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser au Château de ma mère - on y trouve des thèmes communs : les souvenirs d'enfance, les premières amours, le deuil de la mère - et à la qualité d'écriture de Marcel Pagnol qui avait tant réussi à peupler mon coeur d'enfant lecteur.
Portrait de Marcel Proust, Jacques-Emile Blanche (1892)

***** A la recherche de Marcel Proust *****

Pour ceux qui désirent un accès "facile" à l'oeuvre de Proust :

- Les archives de l'émission "Un été avec Proust" sur France Inter :

- L'ouvrage original de Jean-Pascal Mahieu : Marcel Proust à 20 ans, le temps de la recherche*(3). On y apprend comment le jeune auteur, de retour de l'armée à Paris, se lance à la conquête des salons huppés où règnent des personnalités dont il fera un jour des personnages. Il ne veut vivre que pour la littérature mais il faudra d'abord échapper à la carrière militaire que veut lui imposer son père.

La collection "A 20 ans: l'aventure de leur jeunesse", publiée aux Editions Au diable vauvert, donne à découvrir la vie, la personnalité et l'oeuvre d'un grand écrivain sous un angle inédit, à la lumière de ses 20 ans (Flaubert, Balzac, Colette, Vian, Duras, Genet, ...).

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